Borne 08

La géologie des falaises calcaires, l’hydrologie et l’écosystème

Sous la plume de René Meunier, l’ancêtre du journal quotidien local, intitulé alors Le petit Dauphinois, consacre sa Une du 6 octobre 1923 à la fin des travaux de construction du funiculaire. Sa description des lieux est lyrique « Parc immense, admirablement dessiné par une nature artiste, où (…) sur les pentes boisées s’échelonnent de pittoresques hameaux avec leurs toits de chaume et quelques hôtels accueillants (…), le plateau des Petites Roches est fertile en légendes. La plus ancienne veut qu’il ait servi de colossal fauteuil au Gargantua immortalisé par Rabelais. Le demi-cercle de rochers qui ferme l’horizon du plateau (…) est bien le dossier où le géant pouvait appuyer sa tête et son large dos. L’étoffe claire des prairies, rehaussée du vert plus sombre des sapins, ornait le siège constitué par le creux du vallon. Et le long des à-pics qui surplombent la vallée, les jambes démesurées pendaient mollement ».

Et en effet ces deux étages de falaises abruptes séparées par le replat des petites Roches ne sont pas sans évoquer un fauteuil ou bien une marche pour géant vers les Hauts de Chartreuse.

De la majestueuse dent de Crolles qui nous domine, au mont Granier à son extrémité Nord, la muraille rocheuse dessine la frontière à l’est du massif. À la manière d’un immense millefeuille, elle est constituée de bancs de calcaire et de marne.
Ce paysage minéral est typique des reliefs sédimentaires, formés au fond des mers voilà 100 millions d’années et modelés par l’érosion. Si l’œil distingue les éboulis au pied de la falaise supérieure, si l’on devine les grottes sur son flanc, l’essentiel échappe au regard. En effet, cette roche est perméable. L’eau de pluie s y’infiltre par les nombreuses fissures. Elle se faufile dans la masse rocheuse, creuse son chemin avant de ressortir par des résurgences, des sources ou des cascades, comme celle de l’Oulle que nous apercevons à certaines périodes de l’année, face à nous. La via ferrata du même nom qui suit les strates de marne de la falaise, la traverse deux fois.
Le réseau souterrain de ces montagnes est l’un des plus vastes d’Europe. Les spéléologues y ont répertorié 250 km de galeries, dont 28 km pour le seul Trou du Glaz dans la dent de Crolles. Les amateurs d’escalade sont eux visibles à l’air libre : depuis 1920, on ne compte plus les voies qui ont été ouvertes dans les falaises.

Geology of the limestone cliffs, hydrology and the ecosystem (facing the Oulle waterfall)

On 6 October 1923, the front page of the ancestor of the local daily newspaper, then called Le petit Dauphinois, featured the end of the construction work for the funicular railway. René Meunier penned a lyrical description of the setting: “An immense park, admirably drawn by the artist Nature, where (…) wooded slopes are spanned by picturesque hamlets with their thatched roofs and a few welcoming hotels (…), the Petites Roches plateau is fertile ground for legends. According to the most ancient, it served as a colossal armchair for Gargantua, the giant immortalised by Rabelais. The half-circle of rocks closing the plateau’s horizon (…) were the back of the chair where the giant could rest his head and his large back. The light-coloured drapery of the prairies, accented by the darker green of the fir trees, festooned the seat formed by the bottom of the valley. And along the cliffs towering above the valley, the giant let his oversized legs hang lazily.”

In fact, the two levels of sheer cliffs separated by the projecting ledge of the Petites Roches do tend to bring to mind a giant’s armchair or a giant step leading up to the peaks of the Chartreuse mountains.

From the majestic Dent de Crolles, above us, to Mont Granier at the Northern end, the rocky wall marks the eastern border of the massif. Rather like an immense millefeuille, it is made up of beds of limestone and marl.

This mineral landscape is typical of the sedimentary reliefs that were formed at the bottom of the seas 100 million years ago and modelled by erosion. Although scree is visible at the foot of the upper cliff, and caves can be glimpsed on the slope, the main part eludes the eye. The rock is permeable. Rainwater infiltrates through the numerous cracks. It edges its way into the rock mass and carves out a path before re-emerging in sources or waterfalls, such as the Oulle waterfall which may be seen facing us at certain times of the year. The Oulle via ferrata, which follows the marl strata of the cliff, crosses through it twice.

The underground network of these mountains is one of the most extensive in Europe. Speleologists have surveyed 250 km of galleries, including 28 km for the Trou du Glaz in the Dent de Crolles alone. Cliff-climbers are visible though in the open air: since 1920, countless climbing routes have been opened in the cliffs.